mardi 1 décembre 2009

ENTRE DEUX RIVES -1-



TUNIS, MENZEH1

Mouna tapa, retapa les phrases qu’elle tenta en vain de figer sur l’écran de son ordinateur. Était-ce une manière de libérer ses idées ou plutôt de les mettre en ordre sur du palpable ? Désormais, ce fut une méthode qui, depuis des heures, n’apportait pas de fruits… Fléchissant sa chaise contre la baie vitrée, elle rejoignit ses jambes sur l’assise et écouta pour un long moment une mélodie qui se répétait en boucle à ses oreilles. Elle fixait des yeux le plafond et se laissait emballer par la musique instrumentale qui, à force de se refaire, finissait par lui enivrer l’esprit… Ses pensées s’emportaient dans les sons du saxo (phone), du piano et de la flûte. Quelques larmes révoltées effleuraient à peine la chute… elle visualisa son enfance, une enfance qui ressemblait plus à l’adolescence, non sans innocence mais plutôt dans une vision précoce de la vie et de son fonctionnement._ d’ailleurs, tout comme sa naissance. Elle s’était précipitée pour venir au monde au 7ème mois, et depuis elle n’a cessé d’enjamber chaque étape toujours en avance. Elle avait marché à l’âge de six mois, chose qui ne laissa pas ses proches indifférents. « C’est une sacrée hâtive cette gamine » disait sa grand-mère. Les études primaires, elle les a entamé à l’âge de cinq ans. Malgré son jeune âge, elle était comme plus mature que ses camardes de classe, elle était raisonnable, réaliste et si pragmatique… on dirait même que ses rêves touchaient plus la réalité que le fantastique. Mais, après le baccalauréat, elle a connu des années ou l’irrationalité, la folie se présentaient en outrance…des années ou l’échange entre amour et folie fut démesuré mais au même temps fragile et sarcastique. Le temps faisait son athlète, il passait comme souffle le vent et emportait avec lui les moments, les souvenirs de succès et de déception.. Elle, se débrouillait à chaque fois pour atteindre son objectif, le défiant par tous les moyens possibles et imaginaires. Aujourd’hui, en cette nuit de janvier, adossée à sa chaise bleue, elle révisa dans sa tête les taux et les fluctuations de sa vie sur l’axe du temps. Tant d’années ont passé, vingt six exactement. Et là, se posait la question. En vingt six ans, quoi ? Que valaient ces diplômes, ces titres et ces certifications si par la suite, elle demeurait quotidiennement entre quatre murs à taper sur une machine bruyante et pénible à supporter. La réponse, elle l’avait… mais il fallait chercher dans ce tas de valeurs et d’humeurs qui s’engouffrait de plus en plus à chaque jour passé.

UNE HEURE AVANT, ABU DHABI

Ahmed, les yeux accrochés à l’écran, tenta de finir au plus vite de rédiger les pièces écrites relatives au projet de la tour Y. Il pensait parallèlement au temps nécessaire pour imprimer, se préparer et parcourir le trajet depuis sa maison jusqu’au siège du « Square Consulting ». Le but était d’arriver à franchir la porte du directeur à 8 h pile. Il gobait son quatrième café accompagné de sa huitième clope, celle-ci prenait fin entre ses doigts mobiles.

MENZEH1, 8H 30 DU MATIN

Allongée sur son lit, Mouna essayait depuis deux heures de rabattre ses paupières et de s’abandonner à un sommeil profond. Mais, son regard restait haubané au plancher dont la blancheur avait sombré dans l’obscurité. Elle s’était mise à tester une technique de respiration qui, disaient certains, aiderait à s’endormir instantanément. Il fallait respirer profondément et au moment de l’expiration, le corps se relâcherait petit à petit jusqu’à en sentir une certaine lourdeur puis de l’abandon. Comme si à ce moment là, l’on évacuait ce dans le corps et l’esprit au même temps.
Mouna réouvra les yeux vers midi. Elle croyait pouvoir récupérer une nuit d’insomnie dans une petite sieste matinale. Mais, des rêves perturbants venaient lui chatouiller l’esprit… cela ne servaient à rien de se malaxer aux draps quand l’esprit est éveillé. Allez, up ! Malgré la transition difficile, pour elle, une nouvelle journée a commencé !

ABU DHABI, SQUARE CONSULTING

Ahmed ramassa ses papiers, esquissant un beau sourire au visage. Sa montre lui indiquait qu’il venait de passer trois heures et demi lors de cette réunion. Trois heures et demi de débats et de discussions. Pour lui, le plus important c’était l’approbation de tous les membres au travail élaboré soigneusement par son équipe. La deuxième phase étant approuvée, il faudrait dans une prochaine étape passer au dossier d’exécution. Il semblait fier et content. Il pensait à toutes ces nuits blanches à travailler comme un fou pour en arriver là. Pour des mois, il n’avait songé qu’à ce projet, même pas à la guerre en Palestine qui a bouleversé le monde entier. Il était prisonnier de ses concepts et représentations, à vouloir pousser au maximum sa conception. Le défi était pénible à relever, le temps était son rude concurrent.
« J’espère que cette mission en Tunisie me changera bien les idées » pensa-t-il silencieusement.



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